Société et actionnaire copropriétaires : pas une bonne idée
Quiconque est propriétaire dun bien immobilier avec une autre personne peut
mettre fin à cette copropriété en sortant de lindivision. Selon lendroit où se
situe le bien immobilier, le droit de partage sélève à 2,5 % en Flandre ou à 1
% dans les deux autres Régions. Si toutefois vous êtes copropriétaire avec votre
propre société, vous payez un droit de vente de 12 % ou 12,5 %. Pourquoi ?
Associés historiques
Imaginons que vous avez une SA (une société de capitaux) et que cette SA possède
un immeuble. Si la SA est liquidée et que limmeuble vous est attribué, vous
serez redevable dun droit de vente, et ce même si vous aviez vous-même apporté
limmeuble qui vous revient lors de la liquidation. Ce droit de vente sélève à
12 % en Flandre et à 12,5 % dans les deux autres Régions.
Imaginons à présent que vous êtes associée dune SRL (une société de personnes)
et que limmeuble vous est attribué lors de la liquidation, il y a deux
possibilités :
Si vous nétiez pas associé(e) au moment où la SRL a acquis la propriété de
limmeuble, vous payez un droit de vente.
Si, en revanche, vous étiez associé au moment où la SRL (ou précédemment, SPRL)
a acheté limmeuble, ou si vous avez vous-même apporté limmeuble, vous êtes un
associé historique et vous êtes soumis(e) au régime provisoire.
Le régime provisoire implique que vous devez uniquement payer un droit fixe lors
de la liquidation. Le fisc attend ensuite de voir ce quil se passera :
si vous acquérez limmeuble avec dautres associés qui sont tous des associés
historiques, vous pourrez sortir de lindivision et ne devrez payer quun droit
de partage ;
si, en revanche, limmeuble est attribué à une personne qui nest pas un associé
historique, le droit de vente sera dû.
Léchappatoire est une impasse
Dans une SA, vous néchapperez donc pas au droit de vente, à moins que,
peut-être ...
La pratique qui consiste pour lactionnaire à acheter un bien
immobilier en copropriété avec la société est apparue il y a une dizaine
dannées de cela. Lactionnaire achète par exemple 10 % de lensemble sur
lesquels il doit payer le droit de vente et la société achète les 90% restants
sur lesquels le droit de vente est également dû, mais déductible au titre de
charge professionnelle.
Après des années, si lactionnaire veut liquider la société, par exemple, il
sort de lindivision et rachète la part de la société. Suffit-il alors
dacquitter un droit de partage sur cette transaction ?
« Non », dit le fisc. Car la réglementation relative aux associés qui reçoivent
un bien immobilier de leur propre société est une réglementation particulière,
conçue comme une disposition anti-abus. Et cette disposition anti-abus prime la
réglementation générale relative au droit de partage. Le terme « fisc » désigne
en loccurrence à la fois ladministration fiscale fédérale (qui est encore en
partie compétente pour les droits denregistrement) et Vlabel qui est compétente
pour les droits denregistrement flamands.
De la première instance à la Cour constitutionnelle en passant par la Cour de
cassation
Cette interprétation a déjà fait couler beaucoup dencre. De très nombreux
contribuables ont saisi les cours et tribunaux compétents pour finalement se
retrouver devant la Cour de cassation. Un des arguments invoqués était la
violation du principe dégalité. Cela ne relève toutefois pas de la compétence
de la Cour de cassation, mais bien de celle de la Cour constitutionnelle. Le
principe dégalité semble être violé en ce sens que lassocié qui est en
indivision avec sa propre société doit payer un droit de vente. Alors quune
autre personne qui nest pas un associé et qui est en indivision avec cette même
société se verra uniquement réclamer un droit de partage.
La Cour constitutionnelle estime toutefois que cette distinction est justifiée,
parce que la règle qui veut quun droit de vente est dû lorsque la société tire
un bien immobilier de sa propre société est une disposition anti-abus qui prime
effectivement le droit de partage. On peut à juste titre se poser la question de
savoir quel est en loccurrence labus contre lequel cette disposition lutte.
Lors de lachat du bien immobilier, les droits ont en effet été acquittés, en
partie par la société et en partie par lassocié. Mais la décision de la Cour
constitutionnelle met fin à la discussion. Mieux vaut donc éviter toute
copropriété entre la société et un de ses associés.