Bail commercial: révision
La loi sur les baux commerciaux autorise tant le bailleur que le preneur a
demandé une révision du loyer lorsque les circonstances le justifient. Une
affaire a été portée devant la justice de paix dAnvers qui illustre bien les
limites de ce droit.
Article 6 de la loi sur les baux commerciaux
Le droit de demander une révision du loyer figure à larticle 6 de la loi sur
les baux commerciaux. Cet article sénonce comme suit :
« À lexpiration de
chaque triennat, les parties ont le droit de demander au juge de paix la
révision du loyer, à charge détablir que, par le fait de circonstances
nouvelles, la valeur locative normale de limmeuble loué est supérieure ou
inférieure dau moins 15 p.c. au loyer stipulé dans le bail ou fixé lors de la
dernière révision.
Le juge statue en équité et na pas égard au rendement
favorable ou défavorable résultant du seul fait du preneur.
Laction ne peut
être intentée que pendant les trois derniers mois du triennat en cours. Le loyer
revisé produira ses effets à compter du premier jour du triennat suivant,
lancien loyer demeurant provisoirement exigible jusquà la décision définitive.
»
Les principaux éléments sont les suivants :
les deux parties peuvent demander une révision ;
il doit y avoir des circonstances nouvelles ;
la valeur locative normale suite aux nouveaux développements est supérieure ou
inférieure de 15 % au loyer stipulé dans le bail ;
une révision pour être demandée tous les trois ans.
Les faits sur la Groenplaats dAnvers
X (propriétaire) et Y (preneur) ont un contrat de bail commercial. À un moment
donné, ils conviennent de procéder à une rénovation de limmeuble et conviennent
du montant à concurrence duquel chacun contribuera au coût des travaux de
rénovation. Après les travaux de rénovation (en 2015), ils concluent un nouveau
contrat de bail commercial pour vingt-sept ans, prenant effet le 1er décembre
2015. Le loyer mensuel est de 4 000 euros.
Au troisième anniversaire du contrat, X demande une révision du loyer, tel que
prévu à larticle 6 de la loi sur les baux commerciaux. X estime que le loyer
mensuel devrait désormais sélever à 8 500 euros. X demande donc au juge
dimposer ce montant comme nouveau loyer ou à tout le moins de désigner un
expert.
X invoque lexistence de circonstances nouvelles :
le réaménagement de la Groenplaats a été approuvé en décembre 2016 ;
le réaménagement des quais de lEscaut a débuté en août 2017 ;
les Leien et lOperaplein, etc. devraient être terminés en décembre 2018 ;
une zone de basse émission a été instaurée à Anvers à partir du 1er février
2017.
Mais quen pense le juge ?
Droit impératif
Un premier point que le juge a clarifié est que larticle 6 de la loi sur les
baux commerciaux est de droit impératif. Cela signifie que les parties ne
peuvent convenir dy déroger. Lavocat de Y a en effet argumenté que le contrat
lui-même prévoyait déjà quun nouveau loyer pourrait être convenu après quinze
ans et que larticle 6 ne trouverait alors plus à sappliquer. Mais cet argument
a été balayé par le juge.
Base de calcul
Un deuxième point concerne le calcul des 15 % et plus précisément la valeur de
référence (autrement dit, la base sur laquelle ces 15 % sont calculés).
Le juge précise que la valeur de référence avec laquelle la valeur locative
actuelle doit être comparée nest pas le loyer convenu à la prise deffet du
contrat de bail, mais bien la valeur locative normale à la prise deffet de ce
contrat.
On peut en principe considérer que le loyer convenu est égal à la valeur
locative normale. Mais dans le cas présent, le preneur conteste ce principe. Y
affirme en effet avoir réalisé de lourds investissements en 2014, de sorte que
limmeuble a pris une plus-value, et quen échange, les parties ont conclu un
contrat de bail pour une durée de vingt-sept ans, à un loyer de 4 000 euros par
mois.
X dément formellement.
Le juge considère tout dabord que X (le bailleur) doit prouver que la valeur
locative normale au moment de la conclusion du contrat de bail en 2015 était
égale au loyer stipulé dans le bail. En cause, X est en effet la partie
demanderesse et prétend que la valeur locative a augmenté de plus de 15 %. X
doit dès lors prouver quelle était la valeur de référence. Le juge ne peut
inférer clairement de la correspondance quil y aurait eu un accord selon lequel
Y devrait payer moins de loyer parce quil y aurait eu des travaux de
rénovation. X ne parvient cependant pas à prouver quelle serait la valeur de
référence, de sorte que la première condition nest pas remplie (augmentation de
15 %).
Circonstances nouvelles
Le juge va toutefois encore plus loin. X aurait prétendu que limmeuble devrait
rapporter un loyer beaucoup plus élevé, parce que sa situation saméliorerait
fortement en raison de divers travaux. Ces travaux constituent-ils des
circonstances nouvelles ? Selon le juge, les circonstances nouvelles sont « des
circonstances objectives qui influencent durablement la valeur locative dun
bien de commerce, mais qui nétaient pas disponibles lors de la fixation du
loyer et qui se sont produites depuis lors, de sorte quon ne pouvait en tenir
compte lors de la fixation du loyer ».
Les circonstances nouvelles ne doivent
pas être imprévisibles, mais elles doivent présenter un caractère durable. Cela
signifie quelles auront une influence probable sur la valeur locative du bien
pendant une période dau moins trois ans.
Le juge considère en outre que: pour quune circonstance ait valeur de
circonstance nouvelle, il faut quelle se soit produite au moment de la demande
de révision du loyer. Une circonstance ne peut être qualifiée de nouvelle si
elle ne sest pas encore produite. Toutes les circonstances invoquées par X
(le réaménagement prévu de la Groenplaats, les travaux non encore achevés
daménagement des nouveaux Leien
) ne sont donc absolument pas encore des
circonstances nouvelles. Les travaux ne sont pas encore terminés ! Quant à la
zone de basse émission, le juge déclare quil nest pas prouvé de manière
suffisante que son instauration aurait un impact tel quelle justifie une
augmentation du loyer.
En cause, la demande du propriétaire a donc été entièrement rejetée et comme ce
dernier na en outre pas pu prouver quelle était la valeur de référence du
loyer, il est peu probable quil puisse demander un loyer plus élevé à lavenir
même si la Groenplaats est un jour réaménagée.